Chaque année-depuis 2002-l’UNESCO célèbre la journée mondiale de la Philosophie. Au niveau national, cette célébration fut le mercredi 23 janvier 2019 au Grand Séminaire Philosophicum Kabgayi. Les conférences et discussions étaient centrées sur le thème "Philosophie et Art". Philosophie et art ou Philosophie de l’art ?
Le Grand Séminaire Saint-Thomas d’Aquin / Philosophicum Kabgayi
Art est traduit par deux mots plus ou moins connus au niveau de l’étymologie : la technè des Grecs ou l’ars des Romains signifie la même chose et consiste dans la connaissance des règles qui président à la production de l’œuvre bien faite. Il y a de l’art en philosophie et il y a de la philosophie dans l’art. Mais le contenu de l’un n’épuise pas nécessairement la matière de l’autre. L’art évoque la production de l’œuvre, surtout la beauté de l’œuvre et la philosophie fait place à l’émerveillement, le désir et l’amour de la vérité, la soif et le sentiment intérieur à l’égard du message mystérieux renfermé dans la réalité.
Il peut y avoir l’art (qui n’en est pas un) qui fait fi de la philosophie ex l’oiseau qui fait des nids/ l’homme qui produit des nids (faire l’art//produire de l’intérieur), faire la musique ! On peut bien parler de la philosophie à part et l’art à part, mais ici nous célébrons la journée philosophique, nous parlerons donc davantage des points de rencontre entre philosophie et art. L’art qui s’approche de la philosophie est différent de l’artisanat. L’artiste crée par inspiration, là il est l’image de Dieu, le créateur par excellence. Tout ce qu’il a fait, il a vu que c’était beau cfr Gn 1, 31. L’artisan transforme une matière préalablement donnée. Le philosophe Hegel a tenté de montrer que l’art et la philosophie ont un même contenu à savoir la manifestation de l’absolu (la présentation et la figuration sensible de l’absolu). Certains philosophes comme Schelling et Schopenhauer, sous l’influence du romantisme et de la philosophie des Lumières, ont trouvé dans l’art un refuge de la vie (la vie qui mérite d’être vécue). Pour eux l’idée de la philosophie se doit d’être artiste.
En fin de compte, plus que l’activité de la production technique, plus que la figuration sensible, l’art installe l’homme dans le monde, à travers des œuvres, et c’est l’âme de l’homme qui fait ressortir la beauté de la présence du réel. Platon a bien fait en affirmant que le fondement du beau est dans le bien, c’est l’éclat de la perfection. Etienne Gilson dans Peinture et réalité rejoint presque cette idée : le beau n’a aucune réalité propre en dehors de celle de l’être. Etre beau c’est être et être c’est être beau. Leibniz trouve une correspondance entre le savoir et la création artistique notamment dans le calcul mathématique. Le terme « esthétique » est l’invention du philosophe allemand Baumgarten, du grec « aisthanestai » cad « sentir » mais il reste dans les limites de la contradiction de la connaissance sensible. Les philosophes empiristes ont eu le mérite de faire de la théorie de l’art une science : science des sensations pures, intraduisibles en termes intellectuels que produit l’œuvre d’art.
La philosophie de l’art c’est ce mouvement vers le beau, ce désir de l’âme à la quête du sublime. Je vous souhaite d’avoir cette dynamique qui vous portera un jour à la contemplation des réalités éternelles.
Abbé Védaste KAYISABE