Le code de droit canonique
Dans certains cas, les responsables oublient ou négligent de répondre au courrier reçu. Cette situation est dite « le silence de l’administration ».
Que dois-je savoir si j’ai l’habitude de répondre au courrier reçu par le silence, en classant dans les oubliettes les demandes qui ne me semblent pas intéressantes ? Que dois-je savoir si j’ai légitimement adressée ma demande à un responsable qui, très souvent, répond par le silence ? Dans les deux cas, il faut considérer les dispositions normatives de la loi, sans négliger les trois effets prévus dans les principes généraux du Droit.
– Dans certains cas, le silence vaut une réponse affirmative.
– Dans d’autres cas, le silence vaut une réponse négative.
– Le silence peut causer des dommages à une tierce personne.
1. Le silence vaut une réponse affirmative
Il faut tenir compte de la maxime latine du pape Boniface VIII (1235-1303) : « Qui tacet consentire videtur. » (Qui ne dit mot consent).
Prenons deux exemples : le canon 1506 (acceptation du libelle) et le canon 268 (incardination automatique).
a) Le canon 1506 parle de l’admission du libelle
Le libelle introductif de la cause peut être admis ou rejeté. En cas du silence, le Droit prévoit ce qui suit : « Si dans le mois qui suit la présentation du libelle, le juge n’a pas émis de décret d’acceptation ou de rejet selon le canon 1505, la partie intéressée peut lui adresser une requête pour qu’il s’acquitte de sa fonction ; si, malgré cela, le juge ne s’est pas prononcé dans les dix jours après la requête, le libelle sera considéré comme admis. »
Si le juge qui reçoit la demande s’abstient de statuer sur l’admission ou le rejet dans le délai d’un mois, la partie peut présenter une nouvelle requête. S’il ne répond pas dans les dix jours qui suivent cette nouvelle requête, le libelle est admis automatiquement, de plein droit. Cela évite que la partie subisse un préjudice par la négligence du juge.
b) Le cas de l’incardination automatique (Canon 268, § 1)
« Le clerc légitimement passé de sa propre Église particulière à une autre est incardiné de plein droit dans cette Église particulière, au bout de cinq ans révolus, s’il a manifesté par écrit cette volonté tant à l’Évêque diocésain de l’Église qui l’accueille qu’à son propre Évêque diocésain, et qu’aucun des deux n’ait signifié par écrit son opposition dans les quatre mois qui suivent la réception de cette lettre »
Cette forme d’incardination est appelée incardination ipso iure ou automatique ou tacite. Cependant, il faut tenir compte des conditions suivantes :
– Que le clerc manifeste par écrit son désir d’être incardiné dans le nouveau diocèse.
– Que cette manifestation écrite et signée soit produite aussi bien à l’Ordinaire de résidence qu’à l’Ordinaire propre.
– Que se soient écoulés au moins cinq ans de résidence légitime dans le diocèse dans lequel il désire s’incardiner.
– Qu’aucun des deux Ordinaires concernés n’ait manifesté par écrit un désir contraire dans le délai de quatre mois après que la demande ait été présentée.
Le principe du « silence vaut accord » permet d’assurer que les éventuels retards de l’administration ne provoquent plus des dommages aux demandeurs.
2. Le silence vaut « une réponse négative »
Dans le cadre de certaines démarches administratives, une absence de réponse de la part de l’administration, au delà d’un délai défini, peut valoir accord. Toutefois, il existe de nombreuses exceptions à cette règle. Ainsi, dans certain cas, le silence équivaut à un refus ou une réponse négative. Prenons le cas de la « renonciation à l’office ».
a) La renonciation à l’office (canon 189)
– Pour être valide, la renonciation doit être présentée à l’autorité à laquelle revient la provision de l’office, et être faite par écrit, ou bien oralement devant deux témoins.
– L’autorité n’acceptera pas une renonciation qui ne serait pas fondée sur une cause juste et proportionnée.
La simple notification de la renonciation faite à l’autorité ecclésiastique ne produit pas d’effets juridiques. Le droit exige un examen des causes et interdit l’acceptation de renonciations mal fondées. L’efficacité de la renonciation dépend donc d’une acceptation, par un acte concret, de la part de l’autorité ecclésiastique compétente. En cas de silence administratif, on présume que la renonciation a été refusée si cet acte n’est pas intervenu dans un délai de trois mois.
b) Comment peut-on justifier cette présomption d’une réponse négative ?
Dans ce cas, la présomption d’une réponse négative se base sur le canon 57, aux paragraphes 1 et 2.
– Chaque fois que la loi ordonne qu’un décret soit émis, ou lorsque celui qui y a intérêt dépose légitimement une requête ou un recours pour obtenir un décret, l’autorité compétente doit y pourvoir dans les trois mois qui suivent la réception de la demande ou du recours, à moins qu’un autre délai ne soit prescrit par la loi.
– Ce délai écoulé, si le décret n’a pas encore été émis, la réponse est présumée négative en ce qui regarde l’éventuelle présentation d’un recours ultérieur.
3. Les dommages causés par le silence de l’administration
Que pouvons-nous faire, si le silence de l’administration a causé des dommages à une tierce personne ? Nous pouvons nous inspirer des principes généraux relatifs à la protection des droits individuels. Nous pouvons nous inspirer aussi des canons qui parlent de l’exercice du pouvoir. Prenons, par exemple, le canon 1389, §2. Il nous invite à lutter contre la négligence coupable : « Qui, par une négligence coupable, pose ou omet illégitimement au détriment d’autrui un acte relevant d’un pouvoir, d’un ministère ou d’une charge ecclésiastique, sera puni d’une juste peine. »
Le délit est défini par l’abus coupable de l’autorité ou de la charge au détriment d’autrui. Le délit n’est consommé que lorsque les effets néfastes se sont produits. Il faut le démontrer, avec des preuves tangibles.
Conclusion
Les gens sous informés pensent que le silence ne dit rien. Ils cachent leur volonté et leurs intentions derrière un silence plus ou moins prolongé. Pourtant, dans les délais déterminés, le silence peut produire des effets juridiques. Le délai peut être de trois mois, de trente jours, de quinze jours ou autres, selon les précisions prévues par la loi. Les différences de délai peuvent se justifier par l’urgence, la complexité ou la nature même de la demande. Le temps de réagir donné à l’autorité, dans le sens du délai d’instruction, lui permet de préparer une réponse axée sur la vérité et sur la justice. Le respect des échéances prévues nous permet d’améliorer l’exercice et la rentabilité de nos responsabilités respectives.
Abbé Sylvère KOMEZUSENGE