Clôture de la retraite sacerdotale à Nyarushishi du 5 au 11 août 2018
Photo du premier groupe des retraitants
Messe de clôture avec pèlerinage à Kibeho
Lectures choisies :
1. Ac 1, 12-14.2, 1-4
2. Jn 19, 25-27
Homélie : La Mère de Jésus était là (Stabat Mater)
Chers frères dans le sacerdoce, nous sommes vers la fin de notre retraite sacerdotale faite à Nyarushishi, près du Sanctuaire Mariale de Kibeho. Nous avons voulu que ce dernier moment de retraite soit un pèlerinage auprès du Sanctuaire de Marie à Kibeho.
Notre retraite était centrée sur la « purification de la mémoire » dans le processus de l’année extraordinaire de la réconciliation pour notre Eglise au Rwanda. Je remercie le prédicateur, Père Andrea FERRERO, qui nous a bien conduits sur le chemin de cette purification de la mémoire dans l’Eglise. Si vous l’avez bien remarqué, dans les deux dernières instructions, il nous a lancés sur notre mission de réconciliation avec le Christ Jésus et avec le frère : cela par la prière constante et la charité fraternelle, si je peux le résumer ainsi.
Il a bien fait de ne pas entrer dans les labyrinthes de notre histoire qui nous a conduits jusqu’au génocide contre les tutsis de 1994 qui nous a marqués comme tragédie : son historique antérieure, sa mise en exécution et ses conséquences ultérieures ont divisé les rwandais avec des blessures indicibles. Le processus de réconciliation a produit et produit encore des effets positifs, parfois inattendus, pour dire que la purification de la mémoire était déjà en cours. Elle s’évalue et s’approfondit avec la mémoire de Kibeho.
Notre Kibeho est ce haut lieu de l’apparition de la Mère du Verbe « Ndi Nyina wa Jambo » (Je suis la Mère du Verbe), ainsi s’est présentée la Vierge Marie à Kibeho aux trois jeunes filles reconnues par l’Eglise comme voyantes.
Prenons ces apparitions à Kibeho comme processus de la purification de la mémoire, qui est entrée dans notre histoire de l’Eglise et du Peuple rwandais sans que nous nous en rendions compte. Si elle avait été entendue, comme le Peuple de Ninive qui a écouté le prophète Jonas (Jonas 3, 5). Hélas, ce ne fut pas le cas. Mais il y a toujours la purification de notre mémoire à faire. C’est pourquoi j’ai choisi, dans cette Eucharistie de clôture de notre retraite sacerdotale, de vous rappeler cette réalité mariale aussi bien évangélique qu’ecclésiale : « la Mère de Jésus était là » (c’est le Stabat Mater). Comme elle était là au pied de la Croix de Jésus, comme elle était là au Cénacle avec les Apôtres…, elle a voulu montrer qu’elle était là au Rwanda, en choisissant Kibeho comme son lieu d’atterrissage.
Elle était là pour nous avertir et nous interpeler à la conversion du cœur et à la prière constante, comme le cœur de son message à Kibeho l’indique.
Elle était là au moment tragique pour recueillir les victimes innocentes à l’image de son Fils et les mettre entre les mains miséricordieuses du Père.
Elle était là après la tragédie du génocide et elle travaille avec les hommes de bonnes volontés, pour adoucir les blessures et soutenir les différents mécanismes de guérison et de réconciliation.
Avant comme après, elle était là pour proclamer le message de conversion et de paix entre les hommes.
Suite à la souffrance que certains ont connu et connaissent encore, ils ne manquent pas qui disent : si elle était là, pourquoi est-ce qu’elle ne nous a pas épargnés de ces souffrances atroces et ses conséquences horribles ?
Eh bien, apprenez que Marie était là comme elle était au pied de la Croix de Jésus. Elle aimait le Christ et elle aime tous ceux qui souffrent injustement comme lui. Elle était là pour taper d’une main tendre les cœurs criminels pour qu’ils prennent conscience et se repentent. La Mère de Jésus était là… elle est toujours là. Elle nous invite à vivre malgré la nuit obscure du génocide perpétré contre les tutsis que nous avons connu. Elle est toujours là pour nous apprendre que la purification de notre mémoire est dans le processus du déjà là et du pas encore. C’est un chemin d’espérance et d’amour sous le regard du Père miséricordieux qui ne désespère jamais de notre possibilité du retour à la maison du Père, comme le cas du fils prodigue (Lc 15, 11-32).
Au pied de la Croix, Marie était là avec deux autres Marie et avec le disciple que Jésus aimait. Que disait-elle ? Que faisait-elle ? Elle était intimement unie avec le Christ comme sa mère et son disciple ; elle mijotait les secrets du Cœur de Jésus. Elle est co-rédemptrice. Quelque chose d’inattendue s’est passé au pied de la Croix de Jésus : « Femme, voici ton fils » dit Jésus à sa mère. Et au disciple que Jésus aimait : « Fils, voici ta Mère » (Jn 19, 26-27). Et depuis lors, le disciple la prit chez lui. Qui est ce disciple bien-aimé ?
Au cénacle, les Apôtres priaient dans l’attente de l’Esprit promis, et la Mère de Jésus était là, avec eux (Ac 1, 14). Ces deux bons moments de l’Eglise, au pied de la Croix et au Cénacle, avec les Apôtres, la Mère de Jésus était là avec le disciple que Jésus aimait. Et depuis lors, le disciple aimé n’a jamais manqué à l’Eglise, et la Mère de Jésus était toujours là, surtout dans les moments difficiles comme chez nous. Le disciple aimé de Jésus dans l’Eglise a été compris comme tout disciple du Christ Jésus assidu à sa mission.
Toi, disciple du Christ pour les temps qui prévalent aujourd’hui, n’oublie jamais que la Mère de Jésus est là. Elle a toujours, comme au pied de la Croix, une solution qui convient à la victime et au criminel. Une solution à Elle qui peut ne pas être saisie par celui qui ne croit et ne comprend le sens de cette Croix sous laquelle se trouvait Marie. Elle te porte comme une mère qui connaît les pensées et les secrets du cœur de Jésus ; elle veut bien te porter dans la prière constante et la charité fraternelle. Elle l’a exprimé déjà à Kibeho. Marie, la Mère du Verbe, est là avec une attention particulière au disciple de Jésus. Ce disciple, c’est toi, c’est moi, c’est lui, c’est quiconque vient ici et qui pense et qui regarde la Croix.
A Kibeho, elle a dit surtout de prier constamment et de vivre fraternellement. Il n’y a de chemin de purification de la mémoire meilleur que celui-ci : prière constante et amour fraternel. La prière purifie le regard du disciple envers son prochain. Et l’amour fraternel alimente le goût de la prière en Eglise.
Chers frères dans le sacerdoce, en disciples aimés du Christ, que chacun porte avec lui la Mère de Jésus qui est toujours là. Et que Marie soutienne votre prière et purifie votre regard envers le prochain. Le Seigneur soit avec vous.
+ Smaragde MBONYINTEGE
Evêque de Kabgayi